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Le Cambodge a commémoré jeudi les 50 ans de la prise de Phnom Penh par les Khmers rouges et l'installation d'un régime génocidaire qui a duré quatre ans, mais les survivants des massacres se sont vu interdir de prier devant les dépouilles des victimes.
Un parti d'opposition avait demandé aux autorités la permission d'organiser une cérémonie à Choeung Ek, le plus célèbre des "champs de la mort" du régime, dans la capitale Phnom Penh.
Mais la mairie a refusé de donner son feu vert, avertissant les responsables de l'opposition qu'ils seraient tenus légalement responsables en cas de troubles à "l'ordre public", selon une lettre consultée par l'AFP.
"Les victimes du génocide des Khmers rouges ne devraient être interdites par aucune règle si elles souhaitent commémorer cette période très difficile de l'histoire du Cambodge", a déclaré Youk Chhang, directeur du Centre de documentation du Cambodge (DC-Cam), qui effectue des recherches sur les atrocités commises par le régime et les enregistre.
Les commémorations ont été discrètes. Au mémorial de Choeung Ek, les survivants étaient absents jeudi, et quelques poignées de touristes visitaient le site et prenaient des photos des crânes exposés derrière des vitres.
Sum Rithy, un survivant de 72 ans interrogé à l'extérieur du site, se souvient que les habitants de Phnom Penh, fatigués par la guerre, ont accueilli les Khmers rouges avec prudence lorsqu'ils sont entrés dans la ville, leurs écharpes à carreaux rouges flottant derrière eux.
Mais assez rapidement, les chefs ont commencé à évacuer la ville de deux millions d'habitants sous la menace des armes, dans le cadre de l'un des plus grands déplacements forcés de l'histoire récente.
"Il y avait du sang dans tous le pays... Les Khmers rouges ont chassé les gens de leurs maisons partout dans le pays", raconte Sum Rithy.
Il raconte que son père et ses trois frères et sœurs ont été tués, qu'il a été affamé et emprisonné pendant deux ans sur la base d'allégations selon lesquelles il était membre de la CIA.
Il n'y avait "pas de bonheur, pas de sourire, mais seulement de la tristesse et de la souffrance", a-t-il déclaré à l'AFP. "Je n'oublierai jamais cela".
- Politique de réconcilation -
Avant que les Khmers rouges ne ramènent le Cambodge à "l'Année Zéro" avec une révolution paysanne utopique, le pays était loué comme étant "la perle de l'Asie" pour sa musique, sa culture et son architecture coloniale.
Les Khmers rouges ont capturé Phnom Penh le 17 avril 1975 à l'aide de chars, renversant l'armée républicaine de Lon Nol, soutenue par les États-Unis, et instaurant un régime communiste qui durera quatre ans.
Sous le joug de Pol Pot entre 1975 et 1979, deux millions de Cambodgiens, soit un quart de la population de l'époque, sont morts d'épuisement, de faim, de maladie, sous la torture ou au gré des exécutions.
Ce n'est qu'après que les Khmers rouges ont été chassés par les soldats vietnamiens en 1979 que l'ampleur de leurs atrocités est apparue, lorsque les ossements de milliers de victimes, y compris des enfants, ont été découverts dans des fosses communes à travers le pays.
Pol Pot est mort en 1998 sans avoir eu à répondre de ses actes devant la justice.
La politique de réconciliation à tout prix mise en oeuvre par l'ex-Premier ministre Hun Sen, un ancien Khmer rouge repenti, a découragé le travail de mémoire, selon les chercheurs.
Un tribunal spécial parrainé par l'ONU a condamné trois anciens hauts dirigeants khmers rouges, mais de nombreux anciens cadres du mouvement n'ont eu à rendre aucun compte à la justice et vivent toujours en liberté.
Le mois dernier, le Cambodge a adopté, à la demande de Hun Sen, une loi interdisant de nier les atrocités commises par les Khmers rouges, mais les défenseurs des droits de l'homme et les universitaires pensent que celle-ci pourrait également être utilisée pour étouffer les dissidents.
B.Clarke--ThChM