
AEX
-1.3700
On y accède par des échelles vacillantes, le long de boyaux étroits, caillouteux et humides, pour atterrir 50 mètres plus bas: au fond de cette mine galloise longtemps abandonnée, une compagnie attirée par la flambée des prix traque un or rarissime, fondu pour les alliances royales.
Il semble parfois pleuvoir au cinquième sous-sol de la mine de Clogau-St David's, où les gouttes glacées qui s'échappent du plafond se faufilent dans le cou des visiteurs.
Ces galeries sinueuses étaient inondées il y a peu. Il a fallu plus de six mois à Alba Mineral Resources, titulaire depuis 2018 de la licence d'exploration, pour les vider.
Le cinquième niveau est celui qui les intéresse le plus, avec une forte concentration en quartz, cette roche blanche aux faux airs de neige, indicateur classique de gisements aurifères.
Ici, on fore, on dynamite, puis on hisse le minerai à la surface dans un wagonnet rouillé, monté sur câble.
"Jusqu'à présent, la mine est en phase d'exploration. Nous passons lentement à l'exploitation", raconte Mark Austin, géologue principal et vétéran des mines africaines.
Nichée dans un parc national, Clogau a connu ses premiers coups de pioche en 1854, d'abord pour le plomb, puis rapidement l'or. Selon la légende, un mineur a découvert les premières paillettes par accident, d'un coup de pied dans la roche.
- Lady Di, Kate et Meghan -
Après six décennies florissantes, la mine ferme en 1911 et ne sera plus exploitée que par intermittence.
Quand elle cesse définitivement son activité en 1998, l'or se monnaye 300 dollars l'once. Il en vaut dix fois plus aujourd'hui, et son cours a battu un nouveau record mercredi, à 3.317 dollars, porté par l'inquiétude autour des droits de douane de Donald Trump.
"Trouver des veines d'or inexplorées devient évidemment très intéressant", s'enthousiasme George Frangeskides, le PDG d'Alba.
"On s'est dit qu'avec les techniques modernes, nous pourrions trouver des filons", poursuit-il devant l'entrée grillagée de la mine, au bout d'un chemin terreux qui serpente en pleine forêt.
L'or de cette mine est d'autant plus attrayant qu'il peut se vendre plus de dix fois plus cher, malgré une composition identique. D'abord en raison d'un label "gallois" recherché, ensuite grâce à un lien historique avec Buckingham.
Depuis un siècle, les alliances royales sont façonnées avec le précieux métal, une tradition qui remonte aux noces de la reine Elizabeth Bowes-Lyon, la "Reine mère", en 1923.
Ses filles Elizabeth et Margaret, la princesse Anne, mais aussi Lady Di, Camilla, Kate Middleton et Meghan Markle: toutes ont porté un anneau en or gallois. Charles III aussi.
"Cela ajoute évidemment au cachet et à l'attrait du projet", reconnaît George Frangeskides.
Même avec une extraction limitée à quelques centaines d'onces par an, il croit son affaire rentable. Quatre millions de livres ont été investis dans le site, où travaillent une dizaine de personnes.
Trois pièces d'une once (environ 30 grammes) ont été frappées à partir de vieux déchets miniers, puis mises aux enchères. La première s'est vendue 20.000 livres (26.000 dollars), soit huit fois le prix de l'or.
- Chauve-souris -
Sous les bottes en caoutchouc du PDG, seuls de vieux rails oxydés et d'antiques fondations en bois témoignent des décennies passées, au cours desquelles 80.000 onces ont été extraites (2,5 tonnes).
Casque sur la tête, Mark Austin désigne d'une main gantée les creux dans la paroi où seront installés les explosifs. Le minerai sera ensuite broyé, puis tamisé, pour en extraire d'infimes particules d'or.
Une extension prometteuse à la veine de quartz d'origine, d'environ 120 mètres, a été identifiée, sur une zone d'exploration de 107 km2.
"Il s'agira d'une petite mine (...) qui produira des quantités très limitées", explique à l'AFP John Reade, du Conseil mondial de l'or (CMO), représentant de l'industrie. Mais son lien royal peut attirer des acheteurs "très traditionalistes ou fervents monarchistes", prêts à payer le prix fort.
Au milieu des vieilles pierres grises de Dolgellau, à quelques kilomètres, ce n'est pas la promesse de l'or qui agite les conversations, mais les craintes de pollution liées à la reprise de l'activité.
Alba affirme avoir rassuré les autorités et veiller à la protection des chauves-souris qui habitent les lieux.
Pour le reste, personne ici ne semble tirer la moindre fierté de cette mine aux accents royaux, tant le pays de Galles reste indifférent à la chronique de Buckingham.
Attablé au Cross Keys, pub agité de la petite ville, Will Williams, médecin retraité de 75 ans s'en amuse: "Je ne serais pas étonné que beaucoup de jeunes du coin ignorent même (son) existence."
K.Lam--ThChM