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Le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot est arrivé ce dimanche à Alger où il sera reçu par le président Abdelmadjid Tebboune, pour concrétiser le réchauffement bilatéral après huit mois d'une crise qui a mené les deux pays au bord de la rupture.
L'avion privé de M. Barrot a atterri, selon ses services, peu après 10H00 (9H00 GMT) à Alger où il doit rencontrer immédiatement son homologue Ahmed Attaf pour aplanir les dossiers les plus épineux, avant un entretien à mi-journée avec le chef de l'Etat algérien.
Selon le quotidien gouvernemental algérien El Moudjahid, depuis l'entretien téléphonique du 31 mars entre le président français Emmanuel Macron et M. Tebboune qui a relancé le dialogue, les relations "semblent emprunter une trajectoire constructive, à travers une communication bienveillante".
Avant sa visite, M. Barrot a expliqué que Paris veut "se saisir" de l'espace diplomatique ouvert il y a une semaine pour "obtenir des résultats", sur les dossiers sécuritaires, migratoire et économique.
Cette crise d'une gravité inédite entre l'Algérie et son ancienne puissance coloniale (1830-1962) a démarré à l'été 2024 quand M. Macron a apporté son soutien total à un plan d'autonomie sous souveraineté marocaine pour le Sahara occidental, revendiqué depuis 50 ans par les indépendantistes du Polisario soutenus par Alger. L'Algérie a immédiatement retiré son ambassadeur à Paris.
A l'automne, l'arrestation à Alger de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal pour des déclarations considérées comme une "atteinte à l'intégrité du territoire", a fait monter d'un cran les tensions, qui se sont ensuite enflammées début 2025 lorsque Paris a réclamé l'expulsion d'influenceurs algériens, refoulés par Alger.
Un point culminant a été atteint fin février, le jour où le ministre de l'Intérieur français Bruno Retailleau a pointé un doigt accusateur vers l'Algérie après un attentat en France commis par un Algérien, objet d'obligations de quitter le territoire refusées par Alger.
Mais depuis que MM. Macron et Tebboune ont repris les choses en main, il y a, selon Paris, une volonté conjointe de retrouver une relation apaisée et équilibrée "dans une logique de résultats".
La visite de M. Barrot vise à établir "un programme de travail ambitieux" et à élaborer un calendrier de mise en oeuvre, selon ses services.
Pour le journal algérien L'Expression, sa venue montre que "les relations reprennent leur cours normal, sans que l'on ait besoin de déclarer un vainqueur dans cette brouille diplomatique" et "démontre l'impossibilité d'une rupture entre l'Algérie et la France, comme l'imaginait Marine Le Pen", la cheffe du Rassemblement national.
Alger s'estime en effet victime d'une cabale d'"une extrême droite nostalgique de l'Algérie française" et de dirigeants de droite avec à leur tête le ministre Retailleau, en campagne pour prendre la tête du parti Les Républicains.
Pour Paris, la reprise immédiate de la coopération entre services de renseignements dans la lutte anti-terroriste au Sahel où l'Algérie est limitrophe du Mali et du Niger, et sur le dossier du retour des jihadistes de Syrie est prioritaire.
Autre préoccupation française: appliquer "strictement" l'accord bilatéral de 1994 sur l'acceptation par l'Algérie de ses ressortissants expulsés. Paris souhaite augmenter la cadence, malgré "une part des retours forcés (vers l'Algérie) plus importante que la moyenne" des autres pays, avec 3.000 Algériens renvoyés l'an passé sur 34.000 interpellés en situation irrégulière, selon la Direction générale des étrangers.
Pour Alger, le soutien dont M. Macron l'a assuré dans ses négociations avec Bruxelles pour une révision de son Partenariat avec l'Union européenne, est très important. Sur le plan économique, Paris est inquiet pour le sort de 6.000 entreprises françaises implantées en Algérie.
Les deux parties devraient aussi évoquer à Alger un accord d'exemption réciproque des visas diplomatiques, après des restrictions imposées par la France en représailles du refus d'Alger de reprendre certains de ses ressortissants.
Le cas de Boualem Sansal pourrait être évoqué. Emmanuel Macron a plaidé auprès de M. Tebboune pour "une issue humanitaire" pour l'écrivain de plus de 80 ans, atteint d'un cancer, condamné le 27 mars à cinq ans de prison.
Le Parquet algérien qui avait requis 10 ans en première instance a fait appel de la condamnation. Selon des avocats à Alger, une réduction de peine et éventuellement une grâce présidentielle permettraient sa libération anticipée.
N.Wan--ThChM